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Texte Libre

Ce blog sera essentiellement utilisé pour mettre en ligne les photos et articles retraçant la vie du club de randonnée pédestre loconois ("Les Mille-Pattes"), au travers de sorties de plus d'une journée.

Site MP : http://millepatteslocon.123siteweb.fr

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14 février 2007 3 14 /02 /février /2007 09:23

Les cinq « Mille-Pattes » qui ont séjourné à Orcières (hameau de Longchaumois) dans le Jura garderont d’excellents souvenirs de leur semaine de vacances…

Un épisode particulier reviendra régulièrement dans les conversations des membres : la randonnée entreprise dès le lundi 22 janvier après-midi, en direction de la cascade de Pissevieille…

Rien que le nom de notre destination laissait supposer que l’on allait certainement rire à pisser dans nos superbes pantalons de randonneur…

Le temps était couvert, la neige n’avait pas encore fait son apparition sur la région. A priori la balade devait durer deux heures. Toute la petite troupe des MP s’élance donc avant 14 heures en direction de cette cascade. Equipement ultraléger pour chacun de nous : pas de sac à dos, pas de provisions, juste un litre d’eau emporté par David, et un seul téléphone portable pour tout le petit groupe. Une photocopie du trajet ainsi qu’une boussole complètent notre bagage…

Début de promenade sans souci, sauf qu’après trois kilomètres, le beau David, tel le cheval cabré de chez Ferrari, refuse l’obstacle d’une descente, certes un peu glissante mais loin d’être vertigineuse. Je lui confie les clés du gîte qu’il regagne rapidement pendant que les quatre MP continuent leur chemin en direction de la cascade.

Nous atteignons l’endroit, au demeurant fort pittoresque peu avant 16 heures. Photos, film immortalisent la chute d’eau. Un panneau indicateur trône au pied de la cascade… il nous paraît suffisamment ambigu pour que nous poursuivions notre randonnée, sans en tenir compte. Nous atteignons le hameau de Noire-Combe et commençons à nous rendre compte que nous ne sommes pas sur le bon chemin.

Il est 16h 45 et nous nous mettons en quête de demander le renseignement qui va nous permettre de regagner rapidement notre gîte. Après avoir vainement frappé à plusieurs portes, un vieux monsieur finit par nous dire qu’il nous faut rebrousser chemin jusqu’à la cascade… Il nous demande si nous sommes « alpinistes »… Personne ne voit le rapport ; l’homme est âgé et il est possible qu’il n’ait plus toute sa tête… Il nous recommande toutefois de ne pas tarder, la pluie et la neige mêlées commencent à tomber… tout comme l’obscurité. Certes le gîte n’est qu’à 2,200 km mais il nous faut nous hâter.

Cependant, peu convaincus par les explications du vieil homme, nous arrêtons une voiture, apparition presque improbable en ce lieu désert… Nous interrogeons son conducteur qui confirme les dires de notre précédent interlocuteur… Il évoque un raidillon de 70 m environ qu’il nous faudra gravir juste après la cascade…  Nous nous concertons car nous avons repéré la direction de Cinquetral, petit hameau proche d’Orcières… suivre ce trajet nous obligerait à parcourir 7 km sur le macadam pour rejoindre le gîte. Nous optons pour la solution la plus courte : gravir le raidillon près de la cascade et arriver rapidement à Orcières.

A une vingtaine de mètres de la cascade nous découvrons un petit sentier qui grimpe de façon raisonnable. Nous l’empruntons après avoir pesté contre la légèreté avec laquelle les baliseurs signalent les directions : on n’a jamais vu placer un panneau vingt mètres après le changement de direction… Chacun grimpe à son rythme ; l’obscurité nous envahit peu à peu ; la pluie fine mêlée de neige redouble d’intensité.

Le chemin nous paraît interminable ; il est presque 18 heures quand nous atteignons en pleine forêt un panneau directionnel dont les indications culminent à deux mètres cinquante du sol. Comme nous ne disposons pas de torche et encore moins de lampe frontale, c’est avec l’éclairage fourni par le téléphone portable d’Annie que nous parvenons à repérer la direction du pont de Longchaumois. C’est loin d’être l’orientation que nous attendions… nous décidons de rebrousser chemin car le conducteur arrêté à Noire-Combe a évoqué une descente vers Orcières à travers les près, dès le raidillon franchi. « Vous aurez la rivière sur votre droite » avait-il ajouté.

Après 20 minutes de marche, nous atteignons l’endroit qui nous paraît être celui décrit par l’automobiliste… il fait nuit noire, une rangée d’arbres barre notre horizon ; il ne nous semble pas très prudent de nous lancer à l’abordage de ces près en nous fiant simplement à l’azimut fixé sur la boussole.

Une nouvelle fois, nous retournons sur nos pas, bien décidés à prendre la direction du pont de Longchaumois, même si elle nous éloigne sensiblement du gîte. Nous souhaitons nous retrouver rapidement sur une route asphaltée après avoir franchi la rivière que nous entendons là bas, tout en bas.

Nous marchons ; Kiki et Jean-Paul ont quitté leurs lunettes embuées… Nous progressons lentement, très occupés que nous sommes à prendre garde où nous posons les pieds.

En route, nous passons près de trois maisons construites au milieu de nulle part ; toutes sont inhabitées…

L’heure avance ; nous marquons une nouvelle pause. Nous pensons à David, seul au gîte... Il doit commencer à trouver le temps long ; peut-être est-il inquiet... Que doit-il penser ? Quelle initiative va-t-il prendre ?

Annie qui est la seule à avoir son portable nous a déjà dit qu’elle n’avait pas le numéro de David. Il est un peu plus de 18h 30 ; nous essayons d’appeler Mélanie à Locon ; elle pourrait éventuellement prévenir David de notre aventure… Je compose le numéro ; une voix féminine m’annonce que le crédit du portable est épuisé… Tout va pour le mieux. Nous avons tous très soif… même en ouvrant la bouche, les gouttes de pluie ne parviennent pas à nous abreuver.

Il nous faut continuer à marcher dans le noir.

Nouveau panneau indicateur, nouvelles hésitations. Nous optons pour un chemin tortueux, mal dessiné qui grimpe entre deux rangées d’arbustes.  Kiki ressent les premières crampes ; nous nous arrêtons de plus en plus souvent car ces dames peinent un peu à nous suivre. Le rétrécissement du chemin ainsi que la pente qui s’accentue nous feront une nouvelle fois changer de cap. Nous retournons au dernier panneau indicateur rencontré et suivons alors un chemin qui descend... Assurément, il devrait nous permettre de franchir cette petite rivière qui murmure dans le fond de la vallée.

Nous approchons une nouvelle fois d’une maison inhabitée ; nous nous mettons un peu à l’abri le temps que Jean-Paul aille satisfaire un besoin naturel. Kiki, dans le noir a extrait de son sac un rouleau de papier hygiénique qu’elle donne à Jean-Paul. Nous nous disons que l’occupant occasionnel de cette masure doit pouvoir venir jusqu’ici au moins en 4 x 4… La belle route goudronnée ne devrait plus être bien loin. Cette pensée est réconfortante ; la réalité s'avérera beaucoup moins douce !

Il est 19h 45, nous reprenons notre progression après avoir cherché la continuité du GR. Cette fois nous descendons franchement ; de petites rigoles traversent le chemin régulièrement. Le premier du groupe avertit les autres afin qu’aucun d’entre-nous ne se torde la cheville.

Nous atteignons enfin la petite rivière et le petit pont à deux arches qui nous permet de la franchir. De l’autre côté, la pente se fait sévère… nous progressons de plus en plus lentement ; la fatigue nous gagne.

Seule la vue de quelques lumières lointaines nous motive encore. Des panneaux nous annoncent maintenant un passage à niveau non gardé… 150 m, 100 m, 50 m… la maison qui devait être, il y a très longtemps, celle du garde-barrière est bien sûr vide… Nous continuons à monter ; enfin les lumières se font plus précises ; il s’agit d’un éclairage public... Cette vision inespérée me remplit de joie... En hâtant le pas, je découvre enfin quelques maisons. Cette fois, ce serait bien le diable qu'aucune d'elles ne soit habitée...

Ma crainte se dissipe bien vite car d’une des bicoques sort une vieille dame qui appelle son chat. J’attends Jean-Paul, vaguement rassuré par cette apparition surréaliste dans la nuit noire et glaciale. 

Ensemble nous marchons plus vite ; à portée de voix nous interpellons la dame : « Bonsoir Madame ; pouvez-vous nous dire où nous sommes ? »

« Vous êtes à Villard-sur-Bienne »

« C’est loin d’Orcières ? »

A ce moment là, un homme qui se tenait dans la cuisine, sort sur le trottoir : 

« Par la route, il y a environ 25 km ; il faut d’abord passer par Saint-Claude avant de remonter sur Orcières. »

« Et par les chemins, c’est loin ? »

« Oh, environ 12 km mais ça descend et ça grimpe… »

Annie et Kiki nous ont maintenant rejoints. Gentiment le couple nous propose d’entrer nous mettre à l’abri dans la cuisine. N’y tenant plus, Kiki demande à la dame si elle veut bien nous servir un verre d’eau. Aussitôt la dame nous présente verres, pichet d’eau fraîche et sirop. Elle ira même jusqu’à nous proposer de manger quelque chose…

Dans la cuisine de cette demeure modeste, déambule une tortue qui donne des coups de tête dans nos chaussures…  Notre intrusion tardive semble la déranger dans ses habitudes tranquilles.

Toujours aussi prévenante, la propriétaire accepte que nous utilisions son téléphone. Après recherche dans l’annuaire, j’essaie d’appeler David sur le téléphone fixe du gîte… un essai, deux essais… aucune réponse.

J’appelle alors Mélanie à Locon afin qu’elle tente de joindre David sur son portable. Mélanie me rappelle quelques instants plus tard pour me dire qu’elle ne parvient pas à le joindre.

Le monsieur nous dit alors : « J’ai compris : je m’habille, je sors la voiture et je vous raccompagne ».

Cette proposition nous ravit et nous gêne en même temps car il est déjà tard, il neige depuis quelques minutes et notre hôte va devoir rouler 50 km aller-retour…

Soudain le téléphone sonne ; je me précipite… personne au bout du fil. Une minute plus tard, nouvelle sonnerie. Cette fois la propriétaire décroche et parle quelques minutes avec son interlocutrice. Elle raccroche rapidement toutefois en expliquant que quatre randonneurs présents dans sa cuisine attendent un coup de téléphone important….

Effectivement, peu de temps après nouvelle sonnerie : c’est David qui nous rappelle ; Mélanie ayant finalement réussi à le joindre. Inquiet, il a prévenu la gendarmerie vers 18 heures… je lui demande s’il est prêt à venir nous rechercher.

Le Mille-Patte d’origine irlandaise ne préfère pas à cause du temps et de sa trop faible maîtrise de la conduite sur des routes sinueuses et verglacées.

Nous finissons donc par accepter la proposition du monsieur qui sort sa voiture équipée de pneus neige. Il est environ 21 h 15 lorsque nous quittons Villard-sur-Bienne.

Une demi-heure plus tard nous sommes devant le gîte. Nous offrons une boisson à notre conducteur chevronné et le dédommageons de sa course nocturne.

David nous sert ensuite un bol de soupe brûlante et nous raconte sa fin d’après-midi passée à attendre notre retour, sa décision d’alerter la gendarmerie. Deux gendarmes se sont déplacés au gîte pour entendre David, noter nos signalements, notre itinéraire supposé etc.

Le repas n’étant pas prêt, et pour cause… Rassurés de nous trouver au gîte, nous décidons de prendre l’apéritif. Occasion pour chacun de nous de faire part à David de notre vécu récent sur les bords de la Bienne…

Nous téléphonons aussi à Mélanie afin de lui confirmer notre retour au gîte.

Le repas avalé chacun regagne sa chambre rapidement, heureux de se retrouver bien au chaud au fond d’un lit douillet. Le sommeil ne viendra pas tout de suite : les images de notre randonnée se bousculent encore pendant de longues minutes dans nos têtes…

 Epilogue  

Le lendemain matin, au petit-déjeuner, nous apprendrons que Kiki a perdu lors d’une de nos nombreuses haltes, son bonnet, mais surtout sa paire de lunettes qui ont dû glisser de son sac.

Décision est prise de retourner le matin même à Villard-sur-Bienne afin de refaire une partie du chemin à contresens mais cette fois sans le handicap de l’obscurité… Le but avoué étant de rechercher les précieux binocles…

Nous finirons par les retrouver près de la dernière maison inhabitée où nous nous sommes arrêtés le temps que Jean-Paul satisfasse un besoin naturel…

Malheureusement, elles ont été piétinées : les verres sont cassés ; seule la monture paraît récupérable.

Conclusion 

A la montagne l'hiver : ne jamais partir sans carte précise de la région. Emporter un minimum de boisson et de nourriture, voire même de vêtements chauds. Vérifier l’état des téléphones avant le départ (batterie chargée, crédit disponible).

Emile Patte (reporter et guide vraiment pas à la hauteur sur les pentes jurassiennes)

 

 

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